Lot 82
Jacques MOULINIER (1757-1828). Les funérailles de Narcissa au jardin des plantes de Montpellier. Plume et...

Jacques MOULINIER (1757-1828). Les funérailles de Narcissa au jardin des...
Jacques MOULINIER (1757-1828). Les funérailles de Narcissa au jardin des...
Jacques MOULINIER (1757-1828). Les funérailles de Narcissa au jardin des...
Jacques MOULINIER (1757-1828). Les funérailles de Narcissa au jardin des...

Jacques MOULINIER (1757-1828).
Les funérailles de Narcissa au jardin des plantes de Montpellier.
Plume et lavis d’encre de Chine.
Haut.: 19 - Larg.:12 cm à vue

Provenance: Collection de Laure Pellicer, professeur d'histoire de l'art co-rédactrice du catalogue François-Xavier Fabre: de Florence à Montpellier, auteur d'une thèse d'Etat sur le peintre.

Expert: Cabinet de Bayser.

Historique: collection de Vichet, Montpellier, collection Laure Pellicer, acquis en 1984 sur le
marché d’art montpelliérain.

Œuvres en rapport: Jacques MOULINIER, Tombeau de la fille d’Young au Jardin des Plantes, localisation actuelle inconnue, vendu par le marchand Prouté en 1986, repr. in L. PELLICER, Autour du tombeau de Narcissa, ill. 2.

Bibliographie:
- Louis DULIEU, La Médecine à Montpellier, tome IV, Presses Universelles, Avignon, 1988, p. 363, fig. 222, avec la légende « Une vue panoramique évoquant l’inhumation de nuit de Narcissa au jardin des plantes de Montpellier » ;
- Laure PELLICER, Autour du tombeau de Narcissa, LIAME (Bulletin du Centre d’Histoire moderne et contemporaine, N° 7), Presses Universitaires de Montpellier 3, 2001 , 110 p., ill. ;
- Daniel JARY, Le jardin des plantes de Montpellier, Monuments et Objets d’Occitanie, DRAC Occitanie, 2019, p. 81, repr. p. 52, 81.

Cette représentation du mythe montpelliérain « Narcissa » est une des rares œuvres sûrement identifiées comme de la main de Jacques Moulinier, peintre et dessinateur montpelliérain ayant fait le voyage d’Italie, (1791-1792, professeur de dessin dans les écoles de la ville jusqu’à sa mort, acquis aux idées révolutionnaires, il a dessiné un projet pour remplacer le château d’eau du Peyrou qui heureusement n’a pas abouti!), avec les deux peintures La grotte de Neptune et la Vue du val d’Avène, passées en vente en 2024. L’attribution a été établie par Alain Chevalier, alors directeur du musée de la Révolution de Vizille ainsi que par Laure Pellicer, par comparaison avec d’autres productions de l’artiste, notamment un groupe de dessins conservé au musée Fabre. Selon la tradition, Narcissa est la fille du poète Edward Young (1683-1765), également pasteur anglican, chapelain du roi George II et auteur du très célèbre recueil des Nuits (The Complaint, or Night-Thoughts on Life, Death, and Immortality 1742-1745), traduit en français en 1769, véritable manifeste pour le Romantisme. Elle serait morte de consomption à Montpellier où elle serait venue se faire soigner et n’aurait pas pu être inhumée en terre consacrée en raison de sa confession. Young l’aurait enterrée nuitamment dans une « grotte » du Jardin des Plantes de Montpellier (en fait une simple arche de pierres). Le poète exprime son chagrin de père et son sentiment d’injustice face à l’intolérance religieuse dans la troisième Nuit, devenue la quatrième dans la traduction française, où la jeune femme est appelée « Narcisse ». En réalité, la jeune défunte, prénommée Elisabeth, était la fille de sa seconde épouse de haute noblesse, Lady Elisabeth Lee, qui descendait des comtes de Lichtfield et qui avait pour bisaïeul le roi Charles II. La jeune femme, mariée à Henry Temple, fils du vicomte Palmerston, mourut à l’âge de dix-huit ans à Lyon en 1736 en se rendant dans le Midi et fut enterrée dans le cimetière suisse, comme Rédaction Françoise PELLICER ; 16/03/2025 le prouve la découverte d’une pierre tombale retrouvée en 1831. Qu’importe, la jeune « Narcissa » était devenue entretemps une héroïne à Montpellier, non seulement auprès des dynasties protestantes de la ville, mais aussi dans la bourgeoisie cultivée et éclairée,
appartenant aux réseaux de sociabilité de Pénitents, loges maçonniques, Académies de musique, Société des Beaux-Arts... et auprès de touristes britanniques, arrosant de leurs larmes la « tombe », achetant même dents et ossements aux gardiens qui jouaient le rôle de guides, qui les tenaient des étudiants du Collège Royal de Médecine, à moins qu’il ne s’agisse
des restes d’un des chiens d’un ancien Intendant du Jardin. Même avant la découverte de la pierre tombale à Lyon, une polémique d’une extrême violence avait éclaté dans le journal local (Journal de la Généralité de Montpellier) quant à l’emplacement de la sépulture, certains rapportant des « témoignages sûrs », situant la scène de l’enterrement vers « le
chemin de Toulouse, près de la Croix du Capitaine ». Après la publication en 1831 de la découverte de la pierre tombale l’année précédente, la polémique atteint une rare violence par publications interposées, entre érudits montpelliérains et érudits lyonnais. Notre dessin représente fidèlement le site tel qu’il était, avec le mur du fond, le percement
ayant eu lieu à la fin du XIXe siècle, rendant le lieu accessible des deux côtés, les cyprès ont été remplacés par des feuillus. Plus que le clair-obscur « caravagesque », il faut voir dans cette œuvre à la technique soignée et minutieuse l’éclosion d’une nouvelle sensibilité ; la nuit, la Mort, la Nature, l’élégie et les larmes: bien des éléments du Romantisme sont là.

Estimation : 200 € à 300 €