Une Preuve d'amour
Vendredi 17 Mai 2024
François-Xavier Fabre (1766-1837),
Christ rédempteur, toile marouflée sur panneau,
signée « fx Fabre 1800 », 58 x 45,4 cm.
Estimation : 20 000/30 000 €
Une preuve d’amour
François-Xavier Fabre a offert ce Christ rédempteur à sa compagne la comtesse d’Albany, en 1800. Il reparaît plus de deux cents ans plus tard, dans la succession de Laure Pellicer, autrice d’une thèse sur l’artiste.
François-Xavier Fabre a transformé ce tableau en un petit chef-d’œuvre alors qu’il était à l’origine un élément d’une grande composition », s’extasie le commissaire-priseur Jacques Farran.
Parfaitement connu et répertorié, ce panneau apparaît comme un travail majeur du peintre, synthèse de son apprentissage auprès de Jacques-Louis David et de l’œuvre de Nicolas Poussin, s’inspirant du Salvator Mundi attribué à Carlo Dolci ou encore du Saint Pierre en pleurs de Guido Reni, issus de la collection personnelle de l’artiste. Comme l’indique également le catalogue de l’exposition «François-Xavier Fabre de Florence à Montpellier» (2008) : « Mais le peintre, sur qui s’affirme l’influence du passé classique, vise à la noblesse et à la simplicité : on le sent à la pose, à la gravité de l’expression et surtout au vêtement […] ». L’auteure de ces mots n’est autre que Laure Pellicer (1946-2018). On peut considérer qu’elle connaissait parfaitement bien son sujet puisque cette peinture lui appartenait. La toile est en effet vendue dans la cadre de sa succession, de même qu’une quinzaine d’autres, dont un Saint Sébastien du même artiste, acquis en 1975 sur le marché de l’art toulousain à envisager à 12 000/15 000 €. Si Fabre réalise ce nu à l’âge de 25 ans, vers 1790, transcendant l’exercice académique en une figure sensible grâce à l’insertion d’un paysage du Latium aux tons ardoise et lilas, il peint notre Christ dix ans plus tard, en 1800. Il vit alors en Italie depuis treize années, étant arrivé à Rome en 1787 puis à Florence en 1793. En Toscane, son succès est complet. Grâce à ses nouvelles relations, notamment le poète Vittorio Alfieri et la comtesse d’Albany, veuve du dernier des Stuarts, il est intégré dans la haute société, qu’il portraiture à l’envi. Les affaires vont bien, d’autant qu’il cumule son activité de peintre et celle de marchand d’art. Néanmoins, l’année 1799 marque un recul dans sa production, dû à la guerre entre la France et la Toscane. Fabre reçoit moins de commandes et se tourne alors vers des sujets religieux comme Le Christ chassant les marchands du temple ou Le Christ et la femme adultère. Stylistiquement, ce Christ rédempteur se rapproche de ces compositions et de plusieurs autres dessins réalisés eux aussi vers 1800. Fabre devait ainsi préparer une série sur la vie du Christ, mais ce projet fut interrompu par la victoire de Napoléon et l’instauration du royaume d’Étrurie (1801-1807), qui permirent aux étrangers de revenir à Florence et de reprendre leur vie normale. Le peintre retrouve ainsi ses clients et son activité connaît une croissance rapide. Il décide alors de transformer cette tête d’étude en un tableau indépendant. La finition en est des plus soignées, comme en témoigne le nimbe cruciforme peint à l’or fin. L’artiste destinait cette figure d’un élégant réalisme à sa compagne, Madame d’Albany, qui la conserva dans la pièce annexe de son salon avec les autres œuvres précieuses de sa collection. Celle-ci légua le tableau en 1817 à Madame de Mérode, qui le refusa dans un premier temps. Mais Fabre le lui envoie lui-même en 1824, à la mort de la comtesse. Passé par legs ou donation au couvent des pères missionnaires de Louvain, il est acquis auprès de ces derniers par un collectionneur belge en 1978, avant que Laure Pellicer ne le fasse sien à son tour en 1981. Une histoire d’amour et de passion.
Caroline Legrand
à savoir
Dimanche 26 mai, Montpellier.
Farran Enchères OVV. Cabinet Turquin.
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